Pierre Ambroise François Choderlos de Laclos (1741–1803) combina une carrière d’officier avec une d’écrivain, et il reste surtout connu pour son fameux roman épistolaire, Les Liaisons dangereuses, paru en 1782. Cependant il composa aussi des poèmes, dont un recueil fut publié en 1908 par Arthur Symons et Louis Thomas. La majorité de ceux-ci traitent de l’amour, souvent sur un ton badin, voire licencieux.
J’ai sélectionné le premier poème de la collection, adressé à une fillette de six ans. Il lui assure que sa beauté enchantera plus tard les hommes, mais que lui-même sera alors trop vieux pour obtenir ses faveurs ; aussi profite-t-il maintenant de sa tendresse, qu’enfant elle prodigue plus généreusement que les adultes. Selon les éditeurs, cette pièce fut publiée dans l’Almanach des Muses de 1767, tandis que Laclos était en garnison à Strasbourg.
À MADEMOISELLE DE SAINT-S…,
EN LUI ENVOYANT
DES MIRABELLES DE METZ
PERRETTE, vous avez six ans
Et les goûts heureux de votre âge.
Le bonbon doit être un hommage
Pour vous au-dessus de l’encens.
De votre mine enchanteresse,
Quelqu’autre un jour vous parlera,
Mais que de peines il faudra,
Pour obtenir votre tendresse !
Trop éloigné de mon printems,
Je n’en pourroi plus prendre aucunes,
Et je veux profiter du temps
Où vous la donnez pour des prunes.
Source : Poésies de Choderlos de Laclos, publiées par Arthur Symons et Louis Thomas, chez Dorbon l’aîné, Paris (1908). Ouvrage numérisé sur Internet Archive.