Voici un beau poème d’amour, imagé et sensuel, le trente-troisième de la collection Premiers Vers, rassemblant les œuvres d’adolescence et de jeunesse de l’écrivain. La beauté de l’aimée, ses yeux et ses baisers, sont la vraie divinité.
ÉLÉVATION
par Pierre Louÿs
Dans le mystique amour de ta bouche,
Je deviens grave et religieux.
Mon front se courbe et mes doigts s’unissent
Dans le mystique amour de tes yeux.
Ta bouche est là, dans sa chair de bronze,
Jetant des feux dans l’ombre du soir :
Ors byzantins gemmés d’escarboucles.
Ta bouche est là, comme un ostensoir.
Tes yeux sont là, qui m’ont rendu lâche.
Astres d’amour et d’impureté,
Lueurs des nuits chaudes et bleuâtres,
Tes yeux sont là comme un ciel d’été.
Et je me dis, voyant sous un nimbe
Ta bouche d’or monter vers les yeux…
Je ne sais rien du prêtre invisible,
Mais je me dis : Ce sont les vrais dieux !
Source du poème: Œuvres complètes de Pierre Louÿs, 1929 – 1931, tome 13 (1929 – 1931), Poésies, réimpression Slatkine (1973), sur Wikisource.