L’écrivain et poète Paul Verlaine, né à Metz le 30 mars 1844 et mort à Paris le 8 janvier 1896, est un archétype du ‘poète maudit,’ et le principal représentant en France de la tendance ‘décadente’ ou ‘fin de siècle.’ Sa vie fut émaillée par un mariage raté, la fréquentation de prostituées, des amours homosexuelles, dont une liaison tumultueuse avec Arthur Rimbaud, enfin l’excès d’alcool, qui le conduisait souvent à des comportements violents. Sa conversion au catholicisme ne freina pas sa débauche, il assumait cette contradiction, il avait sa foi, mais celle-ci ne pouvait pas l’empêcher de pécher.
Il reste admiré pour son premier recueil de vers, Poèmes saturniens (1866), empreint de mélancolie, où se voit l’influence de Baudelaire. Tout le monde en a entendu la première strophe de « Chanson d’automne » :
Les sanglots longs
Des violons
De l’automne
Blessent mon cœur
D’une langueur
Monotone.
Son œuvre variée comprend entre autres des recueils de poèmes érotiques, voire pornographiques, comme Femmes (1890), Hombres (1904), et le « Sonnet du Trou du Cul » écrit vers 1871-72 avec Arthur Rimbaud.
En décembre 1867, il publia clandestinement Les Amies, une plaquette de six poèmes érotiques consacrés à l’homosexualité féminine, signée sous le pseudonyme « le licencié Pablo de Herlagnez » à Ségovie. En réalité, le recueil fut imprimé en Belgique par l’éditeur bruxellois Auguste Poulet-Malassis, connu pour publier des écrits alors considérés comme licencieux, en particulier Les Fleurs du mal de Charles Baudelaire.
J’en ai sélectionné le deuxième poème (pages 7–8):
PENSIONNAIRES
L’une avait quinze ans, l’autre en avait seize ;
Toutes deux dormaient dans la même chambre ;
C’était par un soir très lourd de septembre ;
Frêles ; des yeux bleus ; des rougeurs de fraise.
Chacune a quitté, pour se mettre à l’aise,
Sa fine chemise au frais parfum d’ambre.
La plus jeune étend les bras, et se cambre,
Et sa sœur, les mains sur ses seins, la baise.
Puis tombe à genoux, puis devient farouche,
Et colle sa tête au ventre, et sa bouche
Plonge sous l’or blond, dans les ombres grises ;
Et l’enfant pendant ce temps-là recense
Sur ses doigts mignons des valses promises,
Et rose, sourit avec innocence.