Joseph Aude (dit le Chevalier) est un poète et auteur dramatique français, né le 10 décembre 1755 à Apt et mort le 5 octobre 1841 à Paris. Familier de Buffon, il a écrit la biographie de celui-ci.
Ce poème s’adresse à une petite fille approchant de la puberté. L’auteur la met en garde contre les séductions de l’amour charnel, qui ne dure qu’un temps. Il loue son « Heureuse enfance / Que l’innocence / Entoure des ris & des jeux ».
ROMANCE
A LA JEUNE NANCY.
Air : O toi qui n’eus jamais dû naître, &c.
DANS mon printemps je te vis naître ;
Le tien va briller & finir.
Le bouton commence à paroître ;
Bientôt la rose va fleurir.
Heureuse enfance
Que l’innocence
Entoure des ris & des jeux !
Paisible aurore,
Tu fais éclore
De nos jours le plus orageux !
Jadis ta bouche sur la mienne
M’assuroit de ton amitié ;
Faut-il que mon cœur s’en souvienne ;
Et que le tien l’ait oublié ?
Heureuse enfance
Que l’innocence
Entoure des ris & des jeux !
Paisible aurore,
Tu fais éclore
De nos jours le plus orageux !
Une voix langoureuse & tendre
Appelle ton premier désir ;
Nancy, garde-toi de l’entendre ;
Crains le tourment du repentir.
Heureuse enfance
Que l’innocence
Entoure des ris & des jeux !
Paisible aurore,
Tu fais éclore
De nos jours le plus orageux !
Le dieu qui te charme est un traître ;
Il te sourit pour t’éblouir ;
C’est la douleur qui va paroître
Sous la figure du plaisir.
Heureuse enfance
Que l’innocence
Entoure des ris & des jeux !
Paisible aurore,
Tu fais éclore
De nos jours le plus orageux !
S’il est un cœur droit & sensible ;
Ce dieu le poursuit constamment ;
Sauve le tien, s’il est possible,
De son perfide enchantement.
Heureuse enfance
Que l’innocence
Entoure des ris & des jeux !
Paisible aurore,
Tu fais éclore
De nos jours le plus orageux !
Par les dehors de l’opulence
Ne te laisse point désarmer ;
Modeste & vrai, l’homme qui pense
Est le seul capable d’aimer.
Heureuse enfance
Que l’innocence
Entoure des ris & des jeux !
Paisible aurore,
Tu fais éclore
De nos jours le plus orageux !
Mais pour ce cœur tendre & sévere,
Il faut bien plus que des appas.
La beauté n’est que passagere ;
Et la vertu ne finit pas.
O Polimnie,
Douce harmonie,
Soyez ses premieres amours !
Talents aimables,
Charmes durables,
Embellissez-la pour toujours !
Source du poème : Poésies de M. le Chevalier Aude, dans Vie privée du comte de Buffon, suivie d’un Recueil de Poésies, dont quelques Pieces sont relatives à ce grand homme. Par M. le Chevalier Aude, de l’Académie des arts & des Sciences de Sicile. A Lausanne, 1788. L’ouvrage est numérisé sur Google Books. Le poème est page 98.
Ce poème a été reproduit dans la collection Amours Enfantines par François Lemonnier.