L’Écolière, par Hégésippe Moreau

Jules Bastien-Lepage - Petite fille allant à l'école
Jules Bastien-Lepage – Petite fille allant à l’école (1882) – Aberdeen Art Gallery & Museums, sur Art UK

Hégésippe Moreau (Pierre-Jacques Roulliot) est un écrivain, poète et journaliste français. Né le 8 avril 1810 à Paris, il exerça plusieurs métiers, dont correcteur d’imprimerie, et se lança dans le journalisme et la poésie. Comme ses deux parents, il fut fauché par la tuberculose, et il mourut à Paris le 20 décembre 1838. Il reste un poète méconnu, mort trop jeune.

Dans ce poème, le maître tente de discipliner une jeune fille rétive aux études. Elle préfère user de séduction, par des sourires, un bras dénudé et des baisers, plutôt que de s’appliquer. Ici Lhomond est un pédagogue français du 18e siècle, auteur du célèbre manuel pour latinistes De viris illustribus urbis Romæ.

L’ÉCOLIÈRE

Approchez, aimable écolière,
Vous qui fûtes maîtresse un jour ;
Approchez, et, moins familière
Avec Lhomond qu’avec l’amour,
Instruisez-vous : chacun son tour.
Mais, par un doux air de folie,
Grand Dieu ! comme elle est embellie.
Finissez, Rose, finissez :
Est-ce l’instant d’être jolie ?
Finissez, Rose, finissez,
Je suis le maître, obéissez.

Quoi ! vous épelez, incertaine,
Même un chapitre de roman ;
Attendez-vous la soixantaine
Pour savoir lire couramment
Les petits vers de votre amant ?
Mais que demande ce sourire ?
Pourquoi ce bras nu qui m’attire ?
Finissez, Rose, finissez :
Est-ce dans mes yeux qu’il faut lire ?
Finissez, Rose, finissez.
Je suis le maître, obéissez.

La grammaire vous effarouche
Et j’entends rire à mon côté
Lorsque les S dans votre bouche
Usurpent la place des T :
Quel soufflet pour ma vanité !
Mais cette bouche que j’accuse
Veut se défendre par la ruse.
Finissez, Rose, finissez :
Un baiser n’est pas une excuse,
Finissez, Rose, finissez :
Je suis le maître, obéissez.

Hélas ! elle est encor maîtresse ;
Le livre échappe de sa main :
Il tombe et s’effeuille… Ah ! traîtresse,
Vous le foulez avec dédain !
Vous triomphez, mais c’est en vain.
Ne pas céder est mon système :
Passons au chapitre deuxième.
Vite, vite, recommencez,
(Dût la leçon finir de même !)
Vite, vite, recommencez :
Je suis le maître, obéissez.

Source du poème : Œuvres de Hégésippe Moreau, Paris : Garnier frères, libraires-éditeurs (1864). L’ouvrage est numérisé sur Internet Archive. Le poème est page 124. Une transcription hypertexte du poème (avec des erreurs de ponctuation et un mauvais découpage en paragraphes) a été donnée sur Wikisource.

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