Hugues publia en 1885 chez Charpentier le recueil de vers Les évocations : poésies. J’y ai sélectionné dans son Livre Cinquième intitulé Au hasard du rêve un poème joyeux consacré à un amour d’enfance :
FANCHETTE
Fanchette au bord de l’étang
M’apparut, toute seulette.
Je passais, j’étais content ;
Je lui dis : « Bonjour, fillette ! »
Vous en auriez fait autant !
Deux pinsons, se becquetant,
Volaient autour de sa tête.
Tout près du flot miroitant
Des fleurs se contaient fleurette :
Vous en auriez fait autant !
J’ajoutai d’un air tentant :
« Vous êtes belle, ô Fanchette !
Et dans votre œil éclatant
Tout le ciel bleu se reflète. »
Vous en auriez fait autant !
Son petit sein palpitant
S’enflait sous la collerette.
L’eau riait en clapotant,
Et moi j’écoutais, tout bête :
Vous en auriez fait autant !
Elle rougit un instant,
Tout en me faisant risette.
Dans son tablier flottant
Je mis une pâquerette :
Vous en auriez fait autant !
« Je me jette dans l’étang,
Si vous n’êtes pas honnête ! »
Je protestai, me flattant
D’apprivoiser la pauvrette :
Vous en auriez fait autant !
« Vous me boudez, et pourtant,
Voyez, la terre est en fête !
— Vous m’en direz tant et tant
Que nous en perdrons la tête ! »
Vous en auriez fait autant !
Je partis, j’étais content.
« Nous nous reverrons, fillette ! »
Et tout un amour chantant
Naquit de notre amourette :
Vous en avez fait autant !
Chaumont-en-Vexin, avril 1883.
Source du poème : Clovis Hugues, Les évocations : poésies, Paris : G. Charpentier (1885), numérisé sur Internet Archive. Le poème est page 223. On le trouve aussi dans : Poésies choisies de Clovis Hugues, Collection Petite bibliothèque universelle, Paris : Librairie des publications à 5 centimes (1886), numérisé sur Gallica (disponible en PDF). Le poème y est page 132.