Voici un beau poème lyrique célébrant le plus beau de tous les souvenirs d’enfance : la découverte de l’amour et de la sensualité.
ÉVEIL D’AMOUR
Quelquefois mes cheveux frôlaient sa joue en fleurs,
Et nos mains se prenaient lentes, comme peureuses,
Et nous sentions soudain nos deux âmes heureuses
D’un grand bonheur étrange où trembleraient des pleurs.
Nos doux rires charmés faisaient un long silence,
Et nous n’entendions plus que le bourdonnement
Des guêpes sur les fleurs des sureaux vaguement,
Bruit d’or parmi la verte et chaude somnolence
Et nos lèvres s’ouvraient pour murmurer des mots
Infinis, que semblait chanter à bouches closes
La chanson de la brise au loin sous les rameaux ;
Et s’élevant en nous comme un écho des choses,
Ils montaient de nos cœurs et nous allions les dire…
Et puis nous ne trouvions plus rien, que nous sourire.
Octobre 1896.
Source du poème : Fernand Gregh, La Maison de l’enfance, Paris : Calmann Lévy (1900), numérisé sur Internet Archive. Le poème est page 34.