Deux enfants amoureux, les doigts enlacés, ont rêvé de leur avenir, bâtissant un décor somptueux flottant dans un mirage… mais l’âge adulte apporte bien des déceptions. Comme les trois précédents du même auteur, ce beau poème provient de la première section du recueil La Maison de l’enfance.
LES ILLUSIONS
Tandis qu’aux cieux profonds où le soleil s’endort
Dans la gloire des soirs de Septembre, nos rêves
Bâtissaient, éblouis, sur les célestes grèves
Un mirage mouvant de cités aux toits d’or ;
Adossés aux vieux murs de la blanche demeure,
Chauds encore, le soir, des soleils de midi,
Dans les frissons perdus d’un grand souffle attiédi
Qui semblait éventer la fatigue de l’heure,
Nous rêvions, le front moite et les doigts enlacés,
Le cœur plein de langueurs sereines, caressés
Par nos songes plus doux à nos fronts que des ailes,
Nous rêvions, l’œil perdu dans le vague avenir,
Lassés de notre enfance impossible à finir,
A des choses, là-bas, somptueuses et belles…
Ouvre les yeux, regarde et pleure : ce sont elles.
Source du poème : Fernand Gregh, La Maison de l’enfance, Paris : Calmann Lévy (1900), numérisé sur Internet Archive. Le poème est page 26.