Né le 20 avril 1840 à Bordeaux sous le nom de Bertrand Redon, Odilon Redon est un peintre, dessinateur et graveur symboliste français. Le choix qu’il fit de s’appeler Odilon vient du prénom de sa mère, Odile.
Cultivant une forme d’ésotérisme, ses œuvres sont comme une sorte de fenêtre ouverte sur un monde spirituel caché. Ses peintures oniriques en font un précurseur du surréalisme.
Pendant la première moitié de sa carrière, il travailla presque exclusivement au fusain et à la lithographie, produisant ce qu’il appella ses Noirs, des images sombres peuplées d’apparitions cauchemardesques. Après la naissance de son premier fils en 1889, il ressentit une sorte de déclic, et progressivement son travail évolua vers des couleurs vives, utilisant le pastel et la peinture à l’huile.
De 1867 à 1915 il tint un journal recueillant ses pensées, ainsi que des notes critiques sur divers artistes ; celui-ci fut publié sous le titre À soi-même en 1922, six ans après sa mort le 6 juillet 1916 à Paris.
Ce journal inclut ses « Confidences d’Artiste », où il raconte sa vie de peintre et dessinateur, en particulier ses motivations et la genèse de sa carrière. Il y affirme son indépendance radicale, l’art venant de la sensibilité de l’artiste, et non des conventions :
Je ne comprends rien à ce que l’on appelle des “concessions” ; on ne fait pas l’art qu’on veut. L’artiste est, au jour le jour, le réceptacle de choses ambiantes ; il reçoit du dehors des sensations qu’il transforme par voie fatale, inexorable et tenace, selon soi seul.
Dans ses notes pour l’année 1900, il décrit dans son journal sa fascination pour les petites filles, ancrée dans le souvenir des premiers émois amoureux de son enfance :
J’aime les fillettes ; je vois en elles toute la femme sans y trouver une femme, et c’est exquis.
Celui qui compliquerait cet aveu et l’accueillerait d’un sourire ne saurait pas ce qui réside en la grâce. La grâce est révélatrice d’infinies virtuosités et d’une vie en puissance qui fait le charme de l’esprit, par les yeux.
Quand j étais tout enfant, je m’en souviens, combien je fus impressionné par elles. La première fois, dans le jardin de la maison où je suis né (à Bordeaux, allées d’Amour). Elle était blonde, avec de grands yeux et les cheveux en longues boucles tombant sur sa robe de mousseline, qui me frôla. Je connus un frisson, j’avais douze ans, j’allais faire ma première communion. Et le hasard voulût qu’elle fût près de moi lors des retraites, à l’église, sous le mystère des voûtes de Saint-Seurin. Que d’émotions s’y mêlèrent : tout l’art aussi de ce décor. Heures bénies, reviendrez-vous jamais dans le mystère de l’Inconnu ?
Source des citations : Odilon Redon, A soi-même, journal (1867–1915) : notes sur la vie, l’art et les artistes, Paris : H. Floury, Éditeur (1922), numérisé sur Internet Archive. La citation de « Confidences d’Artiste » est page 24, celle du journal page 96.
Cette deuxième citation a été transcrite dans la collection Amours Enfantines par François Lemonnier, page 980. Merci à lui pour avoir attiré mon attention sur ce texte.