Extrait de son deuxième recueil de vers, un joli petit poème, où la petite fille laisse libre cours à son imagination…
Pour le Docteur Francisca Luca.
AUX QUATRE VENTS
Comme je coiffais mes cheveux,
les doigts du vent
se sont bagués, tout en riant,
de la soie fuyante des boucles…
Et le vent d’Ouest
en a gréé
une barque couleur de feu.
Et le vent d’Est en a perlé
et le vent d’Est en a broché
des fougères dansantes
du givre,
— ou de mon rêve,
dis, qu’en sais-tu ? —
la fenêtre d’un vieil aveugle
qui s’endormait…
Le vent du Sud en a filé
les étamines
de trois fleurs
d’un pré
qui s’étirait
de joie.
Le vent du Nord
en a griffé
les mollets nus
de trois enfants
qui s’en allaient
à l’école.
Ils ont crié
Maman, j’ai mal !
Et la barque a chanté :
« plus loin… »
Une chèvre a cueilli les fleurs…
Sur la vitre
riche de givre,
l’aveugle,
de ses doigts savants,
a, sous le frisson des fougères,
perçu la soie de mes cheveux.
Le plaisir a fermé ses yeux
et il a dit :
« Je suis heureux ».
Source du poème : Minou Drouet, Le Pêcheur de lune, Pierre Horay (1959).
Précédemment publié sur Agapeta, 2017/11/20.