Voici mon troisième choix dans Les matins d’or et les nuits bleues, la première partie du recueil Les pommiers en fleur : idylles de France et de Normandie (1891). Le poète tente d’éveiller son aimée qui se complaît dans le sommeil, il la gronde comme une enfant. Il l’invite à l’accompagner dans les bois pour y célébrer leur amour.
XII
AUBADE
Veux-tu bien vite t’éveiller,
Paresseuse ! Il faut oublier
Les rêves que sur l’oreiller
Tu cueilles.
Il ne pleut pas. Vois-tu briller
Le soleil ? C’est le peuplier
Dont nous entendions se brouiller
Les feuilles
Ouvre ta fenêtre à l’air frais !
Le blond Phébus, dardant ses traits,
Reconquiert, sur champs et forêts,
L’empire ;
Les fleurs, nous croyant déjà prêts,
Se penchent pour te voir de près ;
Le matin nous attend : parais,
Respire !
La brume fuit à l’horizon ;
La mésange, avec le pinson,
Vient t’appeler sur le gazon ;
Dérobe
Ton corps souple, où passe un frisson,
Au noir sommeil ! Ils ont raison,
Allons déchirer au buisson
Ta robe !
Habille-toi sans embarras,
Mets le chapeau que tu voudras !
En riant, tu t’enivreras
De sève.
Les arbres nous tendent les bras :
Partons, ne soyons pas ingrats !
Je rêverai, tu chanteras
Mon rêve.
Passons par les chemins couverts,
Où le ciel fait luire, à travers
La ramée en fleurs des bois verts,
Sa flamme ;
Et que le roi de l’univers,
L’enfant Amour, nous guide vers
Les flottants paradis ouverts
A l’âme !
Source du poème : Émile Blémont, Les pommiers en fleur : idylles de France et de Normandie, Charpentier, Paris (1891), sur Gallica (PDF).
Précédemment publié sur Agapeta, 2016/03/01.