Voici un deuxième poème de l’écrivain français Georges Gourdon. Celui-ci parut dans son recueil Les Villageoises paru en 1887. Il fut repris dans l’Anthologie des poètes français du XIXème siècle éditée par Alphonse Lemerre en 1887-1888. Celle-ci présente l’auteur et son œuvre, on y lit :
À propos des Villageoises M. Sully Prudhomme a écrit : « Une inspiration saine et familière sans vulgarité ; une gaité toujours compatible avec la tendresse ; de l’élévation et une facture aisée du vers, telles sont les qualités qui distinguent cet ouvrage. »
La poésie de M. Georges Gourdon est, en effet, naïve et primesautière, mais elle est aussi lyrique.
Dans ces vers, l’auteur décrit le malheur d’un jeune garçon, trop pauvre, qui aime une fille rencontrée lors de sa journée de travail :
LE TOUCHERON
Par la sente aux talus herbeux
Qu’embaume la menthe sauvage,
Chassant devant lui ses grands bœufs,
Le toucheron rentre au village.
Voici le printemps revenu,
Tout verdit, l’hirondelle arrive :
Il ne sait quel trouble inconnu
Envahit son âme naïve.
Ce matin même, il a causé
Avec la petite Denise,
Sur son épaule elle a posé
Son front, parfumé sous la brise…
Parmi les rudes paysans,
Comme une fleur Denise est fraîche,
Et son visage de douze ans
A le velouté de la pêche.
Elle est svelte comme un bouleau,
Ses yeux sont clairs comme une source ;
Mais, pour l’avoir, ô jouvenceau !
Il te faudra de l’or en bourse !
Le toucheron, ses bœufs rentrés,
Gagne son grabat, dans l’étable,
Et, par les carreaux éclairés,
Il voit la maisonnée à table.
Lui, ce soir, il ne dîne pas ;
Mais, là-haut, couché de bonne heure,
Seul et malheureux, sous ses draps
Il cache son visage — et pleure…
Hélas ! hélas ! mon pauvre enfant,
L’amour est une grande peine
Qui passe comme un coup de vent
De force à renverser un chêne !
Source du poème et de la citation : Anthologie des poètes français du XIXème siècle, Alphonse Lemerre, éditeur (1887-1888), Volume 4, pages 27–31, transcription hypertexte sur Wikisource.