La Maye d’avril, par Jean Aicard

S.J. Thompson - The May Queen and her court
S.J. Thompson, photographer – The May Queen and her court, New Westminster, BC, Canada (c.1887) – New Westminster Public Library, Heritage Database, accession number 2728

Voici ma deuxième sélection du recueil Poèmes de Provence. En plein froid d’avril, une petite fille se prétend la Reine de mai. Mais ses grands yeux si purs n’annoncent-ils pas le moi de mai ?

LA MAYE D’AVRIL

La rue, un jour d’avril, était presque déserte.
Un vent mauvais, terreur de la campagne verte,
Frappait l’angle des murs avec d’étranges cris.
Tout à coup, au détour d’une place, surpris,
En ce matin d’avril terrible à la Provence,
Je vois, humble et rieuse, une enfant qui s’avance ;
Et, sa sébile en main, du ton accoutumé
La quêteuse m’a dit : « Pour la Reine de mai. »

Assise un peu plus loin, blanche sous de longs voiles
quelques fleurs des champs font un semis d’étoiles,
La Reine, sans bouger, fière en m’apercevant,
Fillette aux longs cheveux, frissonne aux coups du vent.
Moi, sans croire attrister cette candeur sereine :
« On est au mois d’avril ! Tu n’es pas une Reine ! »
Mais à ce mot l’enfant, tout près de fondre en pleurs :
« Je suis Reine de mai ! Je suis Reine des fleurs ! »

Oui, j’avais tort, enfant; j’oubliais, ma mignonne,
Que ton âge est toujours le mai le plus riant.
Ton beau voile de Reine au vent du nord frissonne,
Mais tes grands yeux sont pleins d’un azur d’Orient.

La gelée a brûlé la « bourre » de nos vignes ;
Le meilleur a péri du blé qui fut semé ;
Mais malheur à celui qui, troublé par ces signes,
Pourrait voir tes yeux purs sans croire au mois de mai.

Qu’importe qu’avril gèle et que le vent se plaigne ?
On songe aux pleurs de l’aube en regardant tes pleurs,
Et l’Espérance en toi sourit au monde et règne,
Enfance au voile blanc, Reine au sceptre de fleurs !

Source du poème : Jean Aicard, Poèmes de Provence ; Les Cigales, Paris : Ernest Flammarion (1909), numérisé sur Internet Archive ; cette numérisation est incomplète, il manque les pages 185 à 188. Le poème est page 110. Autre source : Jean Aicard, Poèmes de Provence ; Les Cigales, 3e édition augmentée, suivie de Pierre Puget, Paris : G. Charpentier (1878), numérisé sur Gallica (disponible en PDF). Le poème est page 102. Les deux versions diffèrent à la deuxième ligne de la troisième strophe : « ton âge est toujours le mai » dans la version de 1909, « ton âge est l’avril, le mai » dans celle de 1878.

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