Dans la section Frissons de son recueil La Beauté de vivre publié en 1900, Gregh nous donne un poème mélancolique, le rêve d’un amour qui décline comme l’automne, perdant ses fleurs dans une lumière blafarde, avant de finalement mourir dans le froid d’une séparation.
ADIEU
Un soleil pâle hésite au bord de l’horizon ;
Le vol des mouettes fuit avec des cris et plonge ;
L’ombre des monts lointains déjà, le soir, s’allonge ;
Et voici la douceur de l’arrière-saison.
Je rêve d’un amour tout de mélancolie,
En ces jours défaillants où se meurent les roses ;
D’un doux amour un peu souffrant et qui me lie
Par des fils douloureux au cœur même des choses.
Je rêve d’un amour aux baisers trop profonds,
Lourds d’être lents, cruels d’être délicieux,
Pareils à ces frissons d’automne au bas des cieux
Qui sans bruit en un jour ont effeuillé les monts.
Vous me l’eussiez donné, cet amour plein de fièvres,
Je le sens… Mais qui sait où nous serons demain ?
Le désir des baisers montera sur nos lèvres,
Que déjà votre main aura quitté ma main.
Septembre 1898.
Source du poème : Fernand Gregh, La Beauté de vivre, Paris : Calmann-Lévy (1900), numérisé sur Internet Archive. Le poème est page 123.