Pierre Camo, né à Céret le 16 décembre 1877 et mort à Reynès le 8 mars 1974, est un magistrat et poète français. En 1906 il publie son premier recueil de poèmes, Le Jardin de la Sagesse.
Son cousin Henry Muchart écrivit à à son sujet :
Camo est, avant tout, un raffiné, travaillant beaucoup ses poèmes, hésitant longtemps sur le choix d’un sujet, écrivant parfois plusieurs pièces à peu près semblables pour n’en garder ensuite qu’une seule. Il cherche et atteint souvent la perfection : comme il admet l’assonance mêlée discrètement aux rimes, il emploie toujours l’assonance riche. Camo est, dans ses vers, sensuel, voluptueux et pervers ; mais comme il a l’esprit clair, net et ordonné, comme sa langue est sobre et solide, comme il est raffiné tout naturellement et sans affectation, le charme équivoque de ses poèmes paraît sain, plein de sincérité et de sérénité tranquille. On a dit de lui que c’était le fils bien portant de Baudelaire : la définition est excellente ; son Ode à la Volupté le caractérise à merveille. Camo est, en somme, un sage épicurien, ayant le goût de l’ordre, de la mesure et de la modération dans les plaisirs. Son livre pouvait s’intituler : le Jardin des Délices aussi bien que le Jardin de la Sagesse. Tout le talent de Camo tient dans ce contraste, accentué encore par la simplicité voulue et la sobriété de son style. Il y a bien malgré tout quelque artifice dans l’art de Camo ; après avoir subi fortement dans ses débuts quelques influences assez contradictoires, notamment celle de la comtesse de Noailles, il est arrivé par un effort volontaire à découvrir une formule qu’il suit désormais rigoureusement ; après quelques flottements, il s’est fait une originalité composite et curieuse, qui représente sans doute sa véritable nature, mais aussi l’application systématique de sa théorie sur l’art.
J’ai choisi dans Le Jardin de la Sagesse un poème d’amour « sensuel, voluptueux et pervers », une fantaisie onirique raffinée…
Le Rêve du poète.
Je voudrais abriter mon rêve sédentaire
Dans une maison blanche, auprès d’un jardin frais,
Où quelque puits serait ouvert à fleur de terre,
A l’ombre large et magnifique des figuiers.
J’y saurais la beauté des montagnes antiques,
Des sommets de l’Albère aussi bleus que le ciel,
Et, sur le seuil aimé des vents aromatiques,
Des chansons de ramiers et des senteurs de miel.
Mon amie, une enfant de race sarrasine,
Y grandirait superbe et marcherait pieds nus ;
Son amour simple et ses caresses enfantines
Seraient doux à goûter comme un fruit défendu.
L’air marin aurait fait sa taille vigoureuse,
Et son corps demi-nu, brûlé par chaque été,
Remplirait tout le jour notre demeure heureuse
De parfums enivrants et de fauve beauté.
Par la fenêtre grande ouverte sur la rive,
Monterait jusqu’à nous la rumeur de la mer
Dont la sonorité traînante et maladive
Réveillerait tous les désirs de notre chair.
Nous verrions s’en aller des voiles sur la rade,
Tandis que la chaleur propice du soleil
Ferait mûrir les graines roses des grenades,
Les muscats doux et les figues au cœur vermeil.
Une flûte de pâtre au tendre crépuscule,
Qui serait l’âme du paysage enchanté,
Se mêlerait au vent du soir dans la ramure,
Et ce serait la paix des claires nuits d’été !
Source du poème : Pierre Camo, Le Jardin de la Sagesse, poèmes. Paris : Librairie Floury (1906). On le trouve aussi (avec quelques modifications) dans : Raoul Davray et Henry Rigal, Anthologie des Poètes du Midi : morceaux choisis accompagnés de notices biographiques et d’un essai de bibliographie. Paris : Société d’éditions littéraires et artistiques, Librairie Paul Ollendorff (1908). Cet ouvrage a été numérisé sur Gallica. Le poème est page 49. La citation d’Henry Muchart provient également de cet ouvrage.
Ce poème a été partiellement transcrit dans la collection Amours Enfantines par François Lemonnier. Merci à lui pour avoir attiré mon attention sur ce poème et sur cet auteur.