Par sa tristesse et aussi par les thèmes du bateau, du sang et de la larme, ce poème rappelle un autre, « Chanson », donné à la fin de mon premier article consacré à Minou Drouet. Enfant extrêmement sensible, Minou souffrit d’avoir été exhibée comme un animal de cirque, suivie par les journalistes et surtout accusée d’imposture : on prétendit en effet que sa mère avait écrit les poèmes et lettres publiées en son nom.
On m’a vendue comme du savon, on m’a critiquée comme un enfant prodige. Je n’étais ni l’un ni l’autre.
J’ignore qui est « B. B. » à qui elle dédie son poème.
POÈME POUR UNE CHANSON
Pour B. B.
J’ai cueilli trois feuilles d’automne
et j’en ai fait mon bateau
et le ventre de la mer
en reste taché de sang.
J’ai cueilli trois rayons de lune
pour en gréer mon bateau
et la robe de la mer
en reste brodée de perles.
J’ai cueilli le tronc d’un chêne
pour en faire le grand mât
et tout le cœur de la mer
a retenti de son cri !
J’ai cueilli trois oiseaux d’écume
et j’en ai tissé ma voile
et contre la joue du ciel
elle glisse comme une larme.
La nuit a cueilli trois rêves
pour attirer mon bateau
la vie battante de la mer
l’a tout noyé de plaisir.
Le nylon du ciel et des vagues
s’est refermé sur mon bateau
il n’en reste rien, qu’au levant
une larme couleur de sang.
Source du poème : Minou Drouet, Arbre, mon ami, Julliard (1956).
NB. Ce poème a aussi été transcrit sur la page consacrée à Minou Drouet sur le site Poétesses d’expression française.
Source de la citation : Chez les libraires associés, « Minou Drouet : “On a fait de moi un animal qui a mal” », 13 septembre 2012.
Précédemment publié sur Agapeta, 2017/02/22.