Dans ce poème provenant du recueil de vers Le Livre d’Heures de l’Amour, l’auteur s’adresse à une jeune fille, il lui demande de se détourner de lui, devenu trop vieux : « J’ai l’âge triste où l’on est sage, / Mon âme est une fleur fanée / Où ta lèvre boirait des pleurs ». Il lui recommande plutôt de suivre un papillon, de chercher les nids d’oiseaux, ou de cueillir des fleurs.
Mais n’a-t-il pas tort ? Un jeune amour ne pourrait-il pas le revigorer ? Ce lien entre les âges opposés n’est-il pas le plus beau ?
A UNE JEUNE AMIE
JEUNE fille au calme visage,
Ne passe pas dans mon chemin ;
J’ai l’âge triste où l’on est sage,
Je ne peux te donner la main :
Ne passe pas dans mon chemin.
Je ne veux pas voir, ô jeunesse,
Tes yeux frais où nage un rayon ;
Vois voltiger ce papillon…
Je ne crois pas qu’un cœur renaisse :
Va, suis plutôt ce papillon !
Tes cheveux, emplis de lumière,
Tout brouillés, semblent des réseaux :
Mon âme y viendrait la première,
Car les âmes sont des oiseaux…
Cherche plutôt des nids d’oiseaux.
Mon âme est une fleur fanée
Où ta lèvre boirait des pleurs ;
Je suis las ; j’ai dans les douleurs
Trop tôt commencé ma journée…
Jeune fille, cueille des fleurs.
Source du poème : Jean Aicard, Le Livre d’Heures de l’Amour, Paris : A. Lemerre (1887), numérisé sur Internet Archive. Le poème est page 232. J’ai corrigé une faute de frappe : « cueille » était écrit « ceuille ».