A une jeune amie, par Jean Aicard

Felice Casorati - Bambina che gioca su un tappeto rosso
Felice Casorati – Bambina che gioca su un tappeto rosso (1912)

Dans ce poème provenant du recueil de vers Le Livre d’Heures de l’Amour, l’auteur s’adresse à une jeune fille, il lui demande de se détourner de lui, devenu trop vieux : « J’ai l’âge triste où l’on est sage, / Mon âme est une fleur fanée / Où ta lèvre boirait des pleurs ». Il lui recommande plutôt de suivre un papillon, de chercher les nids d’oiseaux, ou de cueillir des fleurs.

Mais n’a-t-il pas tort ? Un jeune amour ne pourrait-il pas le revigorer ? Ce lien entre les âges opposés n’est-il pas le plus beau ?

A UNE JEUNE AMIE

JEUNE fille au calme visage,
Ne passe pas dans mon chemin ;
J’ai l’âge triste où l’on est sage,
Je ne peux te donner la main :
Ne passe pas dans mon chemin.

Je ne veux pas voir, ô jeunesse,
Tes yeux frais où nage un rayon ;
Vois voltiger ce papillon…
Je ne crois pas qu’un cœur renaisse :
Va, suis plutôt ce papillon !

Tes cheveux, emplis de lumière,
Tout brouillés, semblent des réseaux :
Mon âme y viendrait la première,
Car les âmes sont des oiseaux…
Cherche plutôt des nids d’oiseaux.

Mon âme est une fleur fanée
Où ta lèvre boirait des pleurs ;
Je suis las ; j’ai dans les douleurs
Trop tôt commencé ma journée…
Jeune fille, cueille des fleurs.

Source du poème : Jean Aicard, Le Livre d’Heures de l’Amour, Paris : A. Lemerre (1887), numérisé sur Internet Archive. Le poème est page 232. J’ai corrigé une faute de frappe : « cueille » était écrit « ceuille ».

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