Le Trouble-Fête, par Victor Hugo

Todd Webb - LaSalle Street and Amsterdam Avenue, Harlem
Todd Webb – LaSalle Street and Amsterdam Avenue, Harlem (1946) – Museum of the City of New York / Todd Webb Archive

Le poème « Chanson de grand-père » par Victor Hugo, dans son recueil L’art d’être grand-père (1877), exalte la beauté et la séduction de petites filles en train de danser. En voici un autre, extrait du même ouvrage, qui oppose la beauté des filles à la laideur du clergé.

De jolies filles dansaient, attirant à elles des garçons. Mais « l’homme noir du clocher sombre » (le curé) les a fait fuir, les traitant de « laides ». Cependant lui-même est laid comme un hibou, il ne peut donc pas reconnaître la beauté, que les arbres et les oiseaux savent admirer.

LE TROUBLE-FÊTE

Les belles filles sont en fuite
Et ne savent où se cacher.
Brune et blonde, grande et petite,
Elles dansaient près du clocher ;

Une chantait, pour la cadence ;
Les garçons aux fraîches couleurs
Accouraient au bruit de la danse,
Mettant à leurs chapeaux des fleurs ;

En revenant de la fontaine,
Elles dansaient près du clocher.
J’aime Toinon, disait le chêne ;
Moi, Suzon, disait le rocher.

Mais l’homme noir du clocher sombre
Leur a crié : — Laides ! fuyez ! —
Et son souffle brusque a dans l’ombre
Éparpillé ces petits pieds.

Toute la danse s’est enfuie,
Les yeux noirs avec les yeux bleus,
Comme s’envole sous la pluie
Une troupe d’oiseaux frileux.

Et cette déroute a fait taire
Les grands arbres tout soucieux,
Car les filles dansant sur terre
Font chanter les nids dans les cieux.

— Qu’a donc l’homme noir ? disent-elles. —
Plus de chants ; car le noir témoin
A fait bien loin enfuir les belles,
Et les chansons encor plus loin.

Qu’a donc l’homme noir ? — Je l’ignore,
Répond le moineau, gai bandit ;
Elles pleurent comme l’aurore.
Mais un myosotis leur dit :

— Je vais vous expliquer ces choses.
Vous n’avez point pour lui d’appas ;
Les papillons aiment les roses,
Les hiboux ne les aiment pas.

Encore merci à François Lemonnier pour avoir attiré mon attention sur cet ouvrage et sur ce poème.

Source : Victor Hugo, L’art d’être grand-père (1877) sur Gallica, section X : Enfants, Oiseaux et Fleurs, poème IV  page 179.

Précédemment publié sur Agapeta, 2017/11/25.

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