Le cher parfum, par Jean Aicard

Daniel F. Gerhartz - The daughter of the nature - a woman
Daniel F. Gerhartz – The daughter of the nature – a woman – from Wikiart

Provenant du recueil de vers Le Livre d’Heures de l’Amour (1887), voici un beau poème brûlant de sensualité. Goûter la bien-aimée comme un fruit, respirer son corps aux odeurs envoûtantes d’herbes et de fleurs, le désir du poète se pare de parfums, et quand la belle n’est pas là, ceux-ci viennent hanter ses souvenirs.

LE CHER PARFUM

TA joue est un fruit velouté,
Ta lèvre une ferme cerise ;
Ton souffle, un soupir de la brise
Où se joue un parfum d’été.

Comme elle sent bon, ta chair nue !
Tes cheveux, d’eux-mêmes lustrés,
Ont l’odeur d’une herbe des prés,
Pénétrante et fine, — inconnue.

Tout sent bon en toi ; tout autour
De ton corps pur, ma bien-aimée,
Languit une odeur innommée,
Où flotte pour moi tout l’amour.

De tous les parfums qu’on connaisse.
Aucun par moi n’est mieux perçu,
Que celui-là, qu’à ton insu
Dégage ta pure jeunesse.

Loin de toi, dans mon cœur aimant,
Parfois il s’élève en bouffée…
Ma vie en est comme étouffée,
Et j’en meurs… mais si doucement !

Cette odeur, je t’aspire en elle ;
Ce parfum, pouvoir enchanté,
C’est tout l’esprit de ta beauté,
C’est ton âme matérielle…

Quand il n’est pas là, je me meurs ;
Sa présence oppresse et m’étouffe…
Ton souvenir est une touffe
D’invisibles lilas en fleurs.

Je les sens ; leur âme odorante
Autour de moi vient voltiger,
Et mêle son adieu léger
A mon âme en elle expirante.

Quand elle passe, je te vois ;
Cette odeur suave, oh ! si bonne !
M’apporte toute ta personne,
Tout ton être et jusqu’à ta voix !

Es-tu là ? Cette odeur s’ajoute
Au charme dont je souffre, heureux ;
Trop subtile, — oh ! les amoureux ! —
Pour que je puisse t’avoir toute !

… Oui, comment toute te saisir ?
Même près de toi, mon aimée,
Je sens cette absence embaumée
Dont se meurt l’immortel désir !

Source du poème : Jean Aicard, Le Livre d’Heures de l’Amour, Paris : A. Lemerre (1887), numérisé sur Internet Archive. Le poème est page 159.

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