Étoile filante dans le firmament de la poésie française, Arthur Rimbaud (1854–1891) écrivit ses premiers vers à 15 ans, composa ses chefs d’œuvres en quelques années et renonça définitivement à la littérature avant ses 21 ans.
Rebelle tant par ses opinions que par ses moyens d’expression, il attaqua dans ses vers l’Empereur, la religion, la bourgeoisie et la répression de la Commune de Paris, et il innova radicalement dans la forme de sa poésie.
Dans son recueil Poésies, le poème « A la musique » raille les bourgeois de Charleville ; il a neuf strophes, et les trois dernières consacrées aux jeunes filles nous intéressent plus particulièrement :
— Moi, je suis, débraillé comme un étudiant,
Sous les marronniers verts les alertes fillettes :
Elles le savent bien ; et tournent en riant,
Vers moi, leurs yeux tout pleins de choses indiscrètes.
Je ne dis pas un mot : je regarde toujours
La chair de leurs cous blancs brodés de mèches folles :
Je suis, sous le corsage et les frêles atours,
Le dos divin après la courbe des épaules.
J’ai bientôt déniché la bottine, le bas…
— Je reconstruis les corps, brûlé de belles fièvres.
Elles me trouvent drôle et se parlent tout bas…
— Et mes désirs brutaux s’accrochent à leurs lèvres…
Son professeur Georges Izambard lui proposa de remplacer le dernier vers par :
— Et je sens les baisers qui me viennent aux lèvres…
Cette version édulcorée se retrouve dans la plupart des anthologies, en particulier dans la version du poème donnée sur Wikisource. Mais le vers original est donné sur le site Études littéraires, ainsi que sur le site de Patrick Rebollar.