Orgueil, par Rémy Broustaille

Eliseu Visconti - No Verão ou Menina com Ventarola (1893)
Eliseu Visconti – No Verão ou Menina com Ventarola (1893)

Le recueil de vers La Chanson des Gueuses de Broustaille tourne autour des bas-fonds de Paris, les déclassés, mendiants, prostituées et criminels. En particulier, sa section Les Charnelles est consacrée aux femmes que la misère contraint à vendre leurs charmes. Son titre est précédé par le sous-titre « Fleurs de joie, fleurs de peine » et suivi de l’invocation « A Toi, ô doux Galiléen qui relevas Magdeleine, ce livre de piété. » En effet, Broustaille partage une vision misérabiliste chrétienne de la pauvreté et de la prostitution, et n’y voit d’autre solution que la rédemption religieuse.

J’ai choisi dans ce recueil un court poème où l’auteur découvre qu’une très jeune fille a été envoyée dans sa chambre sans qu’il ne la demande.

ORGUEIL

Seul, je sortais du café pour
M’aller coucher dedans ma chambre,
Ne pensant pas, certe, à l’amour,
Car nous étions en plein décembre ;

Lorsqu’à mes côtés se colla
Une gosse toute grêlette,
En me disant : — Meussieu, me v’la !
— Que veux-tu ? dis-je à la fillette.

— Quoi ? N’êt’s-vous donc pas l’meussieu qui
A d’mandé à Jean un’ p’tit’ brune
Et à qui y donn’rait un’ thune

Pour aller pagnoter vec lui ?
— Non. Mais, bigre, tu es précoce !
— Oh ! y a plus d’ deux ans qu’ j’ fais la noce !

Source du poème : Rémy Broustaille, La Chanson des Gueuses, Paris : Librairie Léon Vanier, éditeur, A. Messein successeur (1907), numérisé sur Gallica. Le poème est page 20.

Ce poème a été transcrit dans la collection de textes L’Univers sensuel, sexuel et sentimental de la Fillette impubère, au travers de l’Histoire, de l’Ethnographie et de la Littérature, Tome I : Interactions entre enfants par François Lemonnier. Merci à lui pour avoir attiré mon attention sur ce poème et sur ce recueil.

2 thoughts on “Orgueil, par Rémy Broustaille

  1. Vous n’avez certes pas été bien inspiré de “corriger” la graphie “certe” employée par l’auteur de ce poème : il ne s’agit pas d’une faute d’orthographe mais d’une licence poétique, admise par les traités de prosodie et sans laquelle le vers serait boiteux.

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