Voici ma troisième et dernière sélection du recueil Poésies érotiques publié par Parny en 1778. L’auteur se présente comme un garçon qui entreprend de séduire une jeune bergère de 14 ans. Celle-ci feint de s’offenser et de vouloir préserver sa vertu, avant finalement de réclamer elle-même un amour sans fin.
L’HEURE DU BERGER.
Hier Lisette
Toute seulette
Au bois filant,
Alloit chantant
La chansonnette.
Elle s’assit
Au bord de l’onde
Claire & profonde :
Deux fois s’y vit
Jeune & mignonne,
Et la friponne
Deux fois sourit ;
Puis avec grâce
Ses pieds penchoient
Et se jouoient
Sur la surface.
Discret témoin,
Son chien fidèle
Étoit près d’elle ;
Tandis qu’au loin
Dans la prairie
L’agneau naissant
Alloit paissant
L’herbe fleurie.
Le long du bois
Je fais silence,
Et je m’avance
En tapinois ;
Puis en cachette
Me rapprochant,
Et la tirant
Tout doucement
Par la manchette :
Salut à vous,
Bonjour, ma Reine !
N’ayez courroux
Qu’on vous surprenne.
À vos chansons
Nous vous prenons
Pour Philomèle.
Aussi bien qu’elle
Vous cadenciez,
Ma toute Belle ;
Mais mieux feriez
Si vous aimiez
Aussi bien qu’elle.
Plaire, charmer,
Sur-tout aimer,
C’est le partage,
C’est le savoir
Et le devoir
Du premier âge.
J’ai quatorze ans,
Répond Lisette ;
Suis trop jeunette,
Et je n’entends
Propos d’amans.
Une Fillette
Ne trouve rien
En amourette
Que du chagrin.
On a beau faire ;
Tous les Galans
Sont inconstans,
Me dit ma mère.
Lors un soupir
Vint la trahir,
Et du plaisir
Fut le présage.
Le lieu, le tems,
L’épais feuillage,
Gazons naissans
À notre usage,
Tout me servoit
Contre Lisette ;
À sa défaite
Tout conspiroit.
Elle s’offense,
Menace, fuit,
Puis s’adoucit,
Puis recommence,
Pleure, gémit,
Se tait, succombe,
Chancelle & tombe…
En rougissant
Elle se lève,
Sur moi soulève
Son œil mourant,
Et me serrant
Avec tendresse,
Dit : cher Amant !
Aimons sans cesse !
Que nos amours
Ne s’affoiblissent
Et ne finissent
Qu’avec nos jours !
Source du poème : Poésies Érotiques, par M. le Chevalier de Parny. À l’isle de Bourbon (1778). Numérisé sur Google Books. Transcriptions hypertexte sur Project Gutenberg et sur Wikisource. Le poème est pages 57–62.
Dans les éditions posthumes des œuvres de Parny, on trouve une autre version du poème, dont les deux premiers vers sont « Hier Nicette / Sous des bosquets ». En particulier :
Œuvres de Parny : élégies et poésies diverses, dans la section Élégies, livre premier, page 5 (avec le titre « L’Heure du berger » et le sous-titre « Églogue »).
Œuvres Choisies de Parny, page 306 (avec le titre « Églogue »).
Œuvres Complètes d’Évariste Parny, poète célèbre, page 14 (avec le titre « Églogue »).