La nouvelle confession de Lucile, dans Étrennes aux fouteurs

Johann Wölfle, After Charles van Beveren - Die Beichte am Krankenbette
Johann Wölfle, d’après Charles van Beveren – Die Beichte am Krankenbette (1860–1868) – The British Museum 1868,0328.412, via Wikimedia Commons

Je continue ma présentation du recueil anonyme Étrennes aux fouteurs, ou le calendrier des trois sexes publié en 1793, au plus fort de la Révolution française. Le poème suivant, sur un air de chansonnette, se présente comme la confession d’une jeune fille au prêtre, mais c’est le récit sans fard d’une vie de débauche. Comme précédemment, j’ai conservé l’orthographe du 18e siècle, mais j’utilise la typographie moderne, en particulier pour la lettre ‘s’.

La nouvelle confession
de Lucile.

AIR : Du confiteor.

MON pere, je viens devant vous,
Disposée à la pénitence,
Me confesser à deux genoux,
Et réclamer votre indulgence. (bis)
On peut, je crois, (bis) à dix-huit ans
Expier ses égaremens. (bis)

On dit que le PERE ETERNEL
A tous vous donna carte blanche.
Pour vous l’église est un bordel,
(Pardon mon pere : je suis franche) (bis)
Est un bordel (bis) vaste & sacré,
Où tout se passe à votre gré. (bis)

Ce que vous faites parmi nous,
Dans le ciel Dieu le ratifie ;
Lorsqu’il est prononcé par vous,
Absolvo te nous purifie : (bis)
Or, écoutez (bis) ce que j’ai fait,
Et pardonnez-moi, s’il vous plaît. (bis)

A huit ans un certain prurit
Me fit porter avec délice
Le doigt dans un certain réduit ;
(C’étoit le trou par où je pisse.) (bis)
Ce doigt, mon pere, (bis) étoit instruit,
Il y fit l’office d’un vit. (bis)

Jusqu’à dix ans, mon appétit
Se plut à ce tendre manege.
A dix ans papa me foutit ;
Car à dix ans, par privilege, (bis)
J’avois un con, (bis) n’en doutez pas,
Propre aux plus vigoureux combats. (bis)

Cette épreuve me mit en goût.
Comme moi, vous savez, mon pere,
Que la premiere fois qu’on fout,
Plaît trop pour être la derniere. (bis)
Mon jeune frere, (bis) après papa,
Me donna donc ce plaisir là. (bis)

Un de mes oncles, fin grivois,
Oncle du côté de ma mere,
A son gré trouva mon minois ;
Le sein n’avoit que de quoi plaire. (bis)
Cet oncle, dis-je, (bis) un certain jour,
A foutu sa niece à son tour. (bis)

Le curé de notre pays
Dévotement me fit entendre
Que j’irois droit en paradis,
Si je voulois lui laisser prendre. (bis)
Le sacrifice, (bis) n’étoit rien
En raison du céleste bien. (bis)

Cent fois au moins dois-je en rougir ?
Le pasteur, dans son presbytere,
Me fit goûter plus de plaisir
Que papa, mon oncle & mon frere. (bis)
C’est, disoit-il, (bis) en attendant
Que vous foute le TOUT-PUISSANT. (bis)

Je me repentirai long-tems
D’avoir, à la fleur de mon âge,
Epuisé tous les jeunes gens
Et les vieillards de mon village. (bis)
Compterai-je (bis) encore les passans
Que j’ai mis sur les dents ? (bis)

Un maître-ès-arts prit l’an passé
Votre servante à son service.
Mon cœur encore en est glacé,
Il me donna la chaude-pisse. (bis)
Et je conçus (bis) dès ce moment
Le plus cruel ressentiment. (bis)

Il avoit de grands écoliers
Qui tous pétilloient de s’instruire
Dans le plus charmant des métiers,
(Desir que la nature inspire.) (bis)
Ils étoient trente, (bis) en moins d’un jour,
Je les instruisis tour-à-tour. (bis)

Le résultat fut douloureux :
On s’en plaignit au pédagogue.
Le courroux brilloit dans ses yeux ;
Il enrageoit autant qu’un dogue. (bis)
Pour me soustraire (bis) à ses fureurs,
J’allai chercher un maître ailleurs. (bis)

Un grand seigneur bientôt s’offrit
A me prendre pour gouvernante.
Mon visage le séduisit,
Le destin trompa son attente. (bis)
Ah ! oui, mon pere, (bis) il fut trompé,
Tout comme je l’avois été. (bis)

Mais avant qu’il s’en apperçût,
Tous ses gens & son secrétaire,
Ayant atteint au même but,
Ont obtenu même salaire. (bis)
Moi, sans trompette (bis) & sans tambour,
Je m’éloignai de leur séjour. (bis)

Mais, lasse de tant de délits,
Je viens en humble pécheresse,
Vous offrir des attraits contrits,
Du mouvement, de la souplesse. (bis)
Si leur emploi (bis) vous flatte encor,
Dirai-je mon confiteor ? (bis)

Source du poème : Étrennes aux fouteurs, ou le calendrier des trois sexes. Orné de jolies figures en taille douce. À Sodome et à Cythère, et se trouvent plus qu’ailleurs, dans la poche de ceux qui le condamnent (1793). L’ouvrage est numérisé sur Gallica, et une transcription hypertexte est donnée sur Wikisource.

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