La bataille de Mobile Bay se rejouera sur le terrain de l’amour sous toutes ses formes, du désir et du plaisir sans limites, contre l’esclavage de la peur et de la souffrance.
« Au diable les torpilles !
En avant, vapeur toute ! »
Attaché au gréage,
L’amiral Farragut,
Faisant preuve d’audace,
Fonce vers la victoire.
D’où venait son courage ?
Apprenez son histoire.
Connaissez-en la clé.
Sachez que la vaillance
Ne vient pas sur le tard,
Mais s’apprend dès l’enfance.
Car David Farragut,
Le plus vaillant enfant,
Grandit dans la marine,
Aspirant à neuf ans.
Le voilà à onze ans,
Combattant l’Angleterre,
Puis à douze ans, chargé
D’une prise de guerre
Qu’il mena à bon port.
Et il voguait, voguait,
Son vaisseau capturant
Des baleiniers anglais.
Peu avant ses treize ans,
Près de Valparaiso,
L’ennemi britannique
Démâtat son vaisseau.
Il combattit en brave
Et fut même blessé,
Enfin fait prisonnier.
Rien ne put le casser.
Aujourd’hui c’est fini,
On cultive la peur,
On n’aime pas la vie,
On goûte le malheur,
On montre sa faiblesse,
Et de soi-même on doute…
On ne suit plus l’exemple
De David Farragut.
Et les tristes enfants,
Proclamés incapables,
Sont interdits de tout,
Enchaînés à des fables.
Et les petites filles,
Au nom de l’innocence,
Des plaisirs de la vie
Apprennent l’ignorance.
Ne parlez surtout pas
Du désir, du plaisir
Nu des petites filles,
De leurs tendres soupirs.
Ne parlez surtout pas
Des souvenirs heureux
De bonheur et d’amour
Avec des amants vieux.
L’industrie des souffrances
Ne chôme pas, c’est sûr,
Produisant à la chaîne
Des malheurs sur mesure.
Le marché aux victimes
Ouvrira tous les jours.
La psychothérapie
Œuvrera à rebours.
On vous fabriquera
Des souvenirs affreux,
Récits pornographiques,
Mensonges désastreux
Destinés à salir
L’amour de votre enfance,
À métamorphoser
Le plaisir en souffrance.
C’est un bien beau spectacle,
La grande exhibition
De tous les traumatismes,
La foire aux contorsions
De douleur commandée.
Admirez, admirez
Le plaisir excisé,
Le désir éventré.
La jeunesse excédée,
Libérant ses entrailles
Du grand-guignol macabre,
Mènera sa bataille,
Comme à Mobile Bay.
« Au diable les torpilles !
En avant, vapeur toute ! »
Crient les petites filles.
Et elles parleront
Du désir, du plaisir,
Ces si petites filles
Aux si tendres soupirs.
Elles pourront parler
Des souvenirs heureux
De bonheur et d’amour
Avec des amants vieux.