Jardin, par Minou Drouet

William-Adolphe Bouguereau - Câlinerie
William-Adolphe Bouguereau – Câlinerie (1890) – Wikimedia Commons

Un beau poème de Minou Drouet dédié à son premier amour, Lucette Descaves, sa professeure de piano. Au moment de sa composition, Mme Descaves avait 41 ans de plus que Minou, alors âgée de 8 ou 9 ans.

JARDIN

Pour L. D.

Donnez-moi vite votre main
car je connais un petit coin
nous serons bien à l’aise
pour grignoter le clair matin
comme une grande tarte aux fraises.

Venez dans mon cher ailleurs
je n’ai conduit personne,
et j’y cueillerai pour vous
pour en couvrir vos genoux,
les fleurs tristes de mon rêve.

La mer est mon grand jardin,
et j’en reviens les bras pleins
des fleurs qui ourlent sa jupe
et leurs pétales
de cristal
tout veloutés de nuages
s’effeuillent en la mineur
sur mon cœur.
Le vent laboure mon jardin
et je sens sous ses grandes mains
se creuser le vert des sillons
au lointain rond.

Venez vite vers là-bas
pour y surprendre la voix
du plus beau jardin du monde.
Elle tient dans une voile
couleur d’automne et de feu
qui plaque
sur le ventre bleu du ciel
son accord
tendu vers le plus loin
le plus haut
le plus haut encore
tendu vers le même ailleurs
que la détresse de mon cœur.

Source du poème : Minou Drouet, Arbre, mon ami, Julliard (1956).

Précédemment publié sur Agapeta, 2017/04/15.

Leave a Reply

Your email address will not be published. Required fields are marked *

This site uses Akismet to reduce spam. Learn how your comment data is processed.