Pour un chien errant, par Minou Drouet

Thomas Gainsborough - A peasant girl with dog and jug
Thomas Gainsborough – A peasant girl with dog and jug (1785) – WikiArt

Dans son enfance, Minou Drouet était très attachée aux animaux, en particulier chiens et chats, leur prodiguant volontiers son affection. J’ai reproduit son poignant poème « Je n’avais qu’un ami », qui parle de sa douleur quand on lui a enlevé son chien. Elle composa d’autres poèmes dédiés à des chiens, et j’en reproduis ici un, peu connu.

Georgette Corot-Gélas publia en 1958 le livre Minou Drouet : ses messages de lumière. En annexe, elle y reproduit des lettres inédites de Minou. Dans la première (datant probablement de 1956), celle-ci écrit :

J’adore les animaux. Au fond, je pense que je devais être un petit lapin à houppe blanche, une nuit j’ai dû oublier de regagner mon terrier à temps et un rayon de lune m’a fait le vilain tour de me changer en petite fille.

Le petit lapin du pré au clair de lune vous fait sa révérence la plus houppeuse, et il tend au minet si joli son oreille très cornet-frittarde, une oreille toute parfumée du secret de l’herbe.

Cette lettre est suivie de queslques vers :

J’ai mal à ma main, alors !

Oh ! savez-vous le nom
du livre d’un médecin
on voit des chiens
qui boudent, qui rêvent, etc.
Jamais pu retrouver le nom.

Ensuite est inclus le poème qui suit, datant probablement de 1956. Le titre « Pour un chien errant » n’y apparaît pas, celui-ci fut extrapolé par Mme Corot, qui le mentionne ailleurs dans son livre (page 149).

POUR UN CHIEN ERRANT

Pour Madame Corot.

Si au creux de ses genoux joints
chacun pouvait sentir le poids
lourd comme la misère du monde
de la tête d’un chien errant,
si chacun pouvait percevoir
le cri de sa détresse offerte,
il n’y aurait jamais besoin
de tribunaux ni de police
car les yeux qui se sont rivés
aux yeux donnés
d’un chien sans maître,
gardent en eux
une richesse
de forêt purifiée de pluie,
gardent entre eux
et la vie
la caresse pardonnante
des étangs
ensomptués de silence
d’un regard qui,
pour toujours,
criera « présent »
à leur chagrin.
Mes doigts pourront
jusqu’à la fin du monde
câliner la fraîcheur des fleurs,
on pourra les enrichir d’or
et des lumières des bijoux,
nulle richesse ne saura
leur faire oublier la douceur
si donnée
si consentante
si déferlante
d’une oreille
habillée de virgules
couleurs de nuit,
l’oreille
de mon chien.

MINOU DROUET.

Source : Georgette Corot-Gélas, Minou Drouet : ses messages de lumière, Les Éditions Véga (1958), pages 221–222.

Ceci est une version révisée d’un article précédemment publié sur Agapeta, 2017/07/19.

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