La branche de mai, par Jean-Baptiste Clément

Photographie post mortem
Photographie post mortem – provient de VK

Il y a un an, j’ai publié les poèmes « La Reine de Mai » et « Claire » de Jean Aicard, à propos d’une reine de mai qu’il aimait et qui mourut dans son enfance. Voici un poème semblable, provenant du recueil Chansons de Clément.

LA   BRANCHE   DE   MAI

LÉGENDE

A madame Claire de Réville.

Pour fêter ma mie en ce mois d’amour,
J’ai couru le bois au lever du jour ;
D’un grand cerisier j’ai pris une branche,
Une branche en fleur,
J’ai fait un bouquet d’aubépine blanche
Où j’ai mis mon cœur…

…Ayant mis mon cœur, l’ai baisé cent fois,
Et toujours courant j’ai quitté le bois.
Comme un bienheureux que l’amour emporte
Je n’ai fait qu’un bond,
Et m’en suis venu le pendre à sa porte,
Mon bouquet mignon.

Quand le mois de mai fleurit les chemins,
Ma pâle ma mie a de noirs chagrins.
On dit qu’un grand mal ronge sa poitrine,
Et la fait mourir.
Si ma branche en fleur et mon aubépine
La pouvaient guérir !

Le bouquet pendu, près de la maison,
Je me suis caché derrière un buisson,
Pour voir au réveil ma pauvre ma mie
Prendre son bouquet,
Et mettre en dansant la branche fleurie
A son corselet.

Tout dans la nature était bien heureux,
Les arbres chantaient des airs amoureux.
Les petits oiseaux jouaient dans la mousse
Et se becquetaient.
La brise était tiède et l’herbe si douce
Que mes yeux pleuraient…

J’attendis longtemps, et, de la maison,
Je vis s’en sauver la mère Toinon :
Elle sanglotait que ça me fit peine
Et vins la trouver,
Afin de savoir quand ma mie Hélène
Allait se lever…

— Jeannet, me dit-elle, en pleurant beaucoup,
Elle ne doit plus se lever du tout :
Reprends ton bouquet et vite lui porte
En bien l’embrassant.
Hélène, mon fieu, notre Hélène est morte
A minuit sonnant.

…Souffrant à mourir, hurlant comme un fou,
J’ai couru la voir et l’ai prise au cou,
Mais le corps glacé de ma pauvre mie
M’a fait tant de peur,
Que j’en garderai pour toute la vie
Un froid dans le cœur.

Ile Marante, 1864.

Musique de Darcier.

Source du poème : Chansons de J.-B. Clément, Paris : Imprimerie Georges Robert et Cie (1885), numérisé sur Internet Archive. Le poème est page 193 ; voir la correction de la dernière strophe dans l’Errata page 359.

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